Chapitre 1

Meeting politique dans une grande salle. La foule est nombreuse et attentive. Un homme est au micro, en plein discours. Sa voix est vibrante. Son ton, passionné et lyrique, n’est pas sans rappeler celui d’un prédicateur.

ANTOINE SIMIAC (au micro) : … Il n’y a pas un seul arpent de cette Terre qui ne m’appartienne pas. Pas un caillou, pas un grain de poussière. Il n’y a pas une seule route, pas un seul sentier que je ne puisse fouler. Il n’existe pas de rivière où l’on puisse m’empêcher de boire. Aucun lac, aucun océan que je ne puisse écumer à satiété. Car tout cela est mon bien ! Rumeur de la foule qui approuve.

ANTOINE SIMIAC : Il n’y a pas en ce monde une seule main que je ne puisse tenir dans ma main. Homme, femme, enfant. Pas une seule âme qui me soit étrangère. La joie comme la peine, la colère comme le désarroi. Depuis mon premier cri jusqu’à mon dernier souffle, tout ce qui naît et croît, tout ce qui vit et meurt, tout ce qui tombe sous le coup de mes cinq sens et tout ce que mon esprit peut appréhender : tout cela est mon bien. Mon patrimoine. Mon unique viatique. Le monde est ma demeure et je la porte sur mon dos. Où que j’aille. Quoi que je fasse. Tout cela est à moi ! La rumeur se fait plus forte. Le ton de l’homme monte et s’enflamme progressivement.

ANTOINE SIMIAC : Je dis que ce monde est à moi… À moi comme à vous tous !

Clameur de la foule.

ANTOINE SIMIAC : C’est une vérité première. C’est une vérité que l’on a voulu soustraire à nos yeux. Escamoter. Et qui ne demande qu’à être exhumée. C’est pourquoi aujourd’hui, j’affirme haut et fort que ce monde est à nous ! Clameur plus forte.

ANTOINE SIMIAC : À chacun !

Clameur encore plus forte.

ANTOINE SIMIAC : Et personne, absolument personne ne peut s’arroger le droit de nous en déposséder !

Cette fois, la clameur est énorme : applaudissements,

sifflets, une véritable ovation…