Schnock n°24, Les Charlots : « Ça a même failli devenir un film avec Louis de Funès... » (Extrait)
Le n°24 de la revue Schnock consacre un dossier de 60 pages aux Charlots. Dans un grand entretien, les Charlots reviennent sur l'origine de leur célèbre chanson « Merci patron », qui a donné son nom au film de François Ruffin...
Gérard Filippelli : L’idée de « Merci patron » est née alors qu’on rentrait d’un gala. La plupart du temps, c’est Rinaldi qui conduisait, et moi qui étais assis à côté de lui, pour reprendre le volant au cas où il s’endormait. Pour se tenir éveillés dans la voiture, on ne cessait de débattre, de chercher des bonnes idées et de se raconter notre soirée. Après la période de Noël (1970-1971 – NDLR), j’ai eu cette vision : « Imagine qu’au lieu que ce soit le P.-D.G. qui distribue les cadeaux a ses employés dans la salle, ce soit l’inverse, que ce soient ses employés qui lui offrent quelque chose. » On a déliré sur cette inversion des rôles. Et comme d’habitude, Rinaldi, au lieu de dormir, a noté des trucs cette nuit-là et nous a appelés le lendemain : « J’ai une idée ! »
Jean Sarrus : C’est Rinaldi qui a eu l’idée de la formule, c’est son père qui disait ça : « Merci patron. »
Luis Rego : Les titres étaient souvent écrits par Rinaldi et moi. Lui écrivait les paroles et moi la musique. Sarrus et Phil préféraient se laisser porter que travailler, et ça tombait bien, Rinaldi et moi, on aimait plus écrire que les deux autres. Pour « Merci patron », on a parlé de nous, car nous étions tous issus de milieux très modestes. Le père de Rinaldi était maçon, Sarrus était pupille d’État, le père de Phil était dans le bâtiment et le mien ouvrier. Donc, sans s’attarder sur ce qu’a représenté Mai 1968 pour moi, si j’avais été pris en train de manifester j’aurais pu être reconduit chez moi (Luis est né au Portugal et a été emprisonné au mois de février et mars 1966 sous le régime dictatorial de Salazar – NDLR). Oui, « Merci patron » était évidemment influencé par ces revendications. Mais c’est là que le succès a commencé pour nous, on s’est tous acheté une Ferrari, y compris moi… Mais ça n’est pas pour ça que j’étais indifférent avec ce qui se passait dans la rue.
Jean-Guy Fechner : On a appris que pendant les grèves, les manifestants chantaient ça, mais pas seulement, dans les prisons aussi ils chantaient : « Merci maton. » C’est un succès très étonnant, même si c’était dans l’air du temps, j’ai envie de dire que c’était notre réponse comico-politique à 1968.
Jean Sarrus : J’avais une copine qui était en taule à l’époque, Dominique Grange (chanteuse contestataire appartenant au Comité révolutionnaire d’action culturelle créé par des artistes à la Sorbonne en 1968, future femme de Jacques Tardi – NDLR), c’est elle qui m’a raconté que les détenus chantaient « Merci maton »…
Gérard Filippelli : Ça a même failli devenir un film avec Louis de Funès…
Propos recueillis par Christian Eudeline
L’intégralité de l’entretien est à lire dans Schnock 24, Les Charlots : « Merci patron ! »
En librairie le 6 septembre 2017