Alain Souchon : "On aura toujours 10 ans !"
Le n°28 de la revue Schnock consacre un grand dossier consacré à nos fab two à nous, Alain Souchon et Laurent Voulzy, qui ont réussi à inventer une chanson française sous haute influence british. Extrait d'un entretien inédit avec Alain Souchon où il revient sur ses débuts et sa rencontre avec Laurent Voulzy.
En 1971, vous signez avec le label Pathé-Marconi et sortez plusieurs 45 tours qui passent inaperçus. C’était une erreur de casting ?
Non. J’étais grisé d’être dans une maison de disques, que le directeur me fasse venir dans son bureau, qu’il me fasse signer un contrat. On me demandait mes goûts, j’ai rempli une fiche : « Quels sont vos acteurs préférés ? » J’ai dit : « Philippe Noiret et Jean Rochefort. » Quelles boissons préférez-vous ? – Le gamay de Touraine. » Des conneries, je disais n’importe quoi, mais ça m’amusait. Pathé-Marconi, ce sont mes années d’apprentissage. (Il chantonne.) « Moi, l’amour, 1830, pathétique romantique…»
C’est alors que Bob Socquet, directeur artistique de RCA, vous repère. Vous vous trouvez, avec une autre signature du label, un certain Laurent Voulzy, à chanter dans une sorte de garden-party de RCA.
C’est le P.-D.G., un Anglais, Ted Insley, qui avait une maison en banlieue avec jardin et qui a invité tous les gens de son label. Il y avait Yves Simon, Antoine, des amis qui n’ont pas marché, Laurent Voulzy et moi. Tout le monde chantait une chanson. J’avais choisi « L’Amour 1830 ». J’étais conscient de ce que je faisais, que mes chansons étaient un peu cul-cul, mais c’était une façon de gagner ma vie plus agréablement qu’en étant peintre en bâtiment. Parce que peintre en bâtiment, ça dégouline le long du bras quand on fait les plafonds, et puis on en a plein les cheveux. J’étais amoureux de ma petite femme, qui était étudiante en sciences naturelles. J’allais la chercher à la fac avec de la peinture dans les cheveux, j’en avais un peu honte… (Rires) Mais j’étais conscient que mes chansons étaient basiques.
Qu’il leur manquait quelque chose ?
Oui, et en même temps, je trouvais marrant de les chanter. On faisait le 14 juillet dans le jardin des Tuileries avec Yves Simon, Antoine. Les gens criaient : « Du rock,pédé ! » Moi je chantais : « Moi, l’amour… » C’était rigolo. J’étais content que ma vie soit avec des gens intelligents, cultivés. J’ai toujours trouvé que c’était un milieu agréable.
Bob Socquet vous suggère Laurent Voulzy pour faire les arrangements de ce qui sera votre premier album. Et un jour, vous allez le voir avec ces trois mots magiques (alors que vous êtes le jeune père d’un fils de 2 ans à l’époque) : « J’ai dix ans », trois mots qui vont changer votre vie à tous les deux.
(Il chante) « J’ai dix ans, je sais que ce n’est pas vrai, j’ai dix ans… » Laurent m’a dit que c’était bien, il a pris un bottin, des baguettes de tambour et il a tapé dessus. Il avait une installation qui me bluffait, un Revox, qui était une marque de magnétophones de belle qualité. On a fait « J’ai dix ans », rapidement. Je trouvais sa musique exaltante, c’était tout ce : un swing. Et lui, ça l’amusait.
Entretien par Laurence Rémila. L’intégralité de l’entretien est à retrouver dans Schnock n°28, Souchon & Voulzy : « On aura toujours 10 ans ! »