Charles n °25 - Cédric Villani : "Député, c'est violent" (Extraits)
Dans un entretien publié dans le numéro 25 de la revue Charles (en kiosque et en librairie le mercredi 4 avril) qui consacre un dossier à la nouvelle génération du Palais-Bourbon, Cédric Villani, mathématicien et député macroniste, revient sur ses premiers pas à l’Assemblée nationale. Extraits.
Vous avez fait vos premiers pas à l’Assemblée en juillet 2017. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris, au cours des premières semaines ?
Au début, vous ne comprenez rien à ce qu’il se passe. Votre emploi du temps vous arrive par quatre sources différentes, vous croyez devoir être à un endroit, et il faut être à un autre. Niveau organisation, l’Assemblée nationale n’est pas franchement moderne : vous avez une réunion qui se termine à 2 heures du matin, le lendemain vous commencez à 8 heures. Entre-temps, vous devez faire l’aller-retour en grande couronne. Et puis vous découvrez avec stupéfaction que vous êtes censé être à trois endroits différents en même temps. Petit à petit, on apprend à gérer, à cerner les priorités, mais au début, ça nous tombe vraiment dessus. On a tous cette représentation collective des députés qui ne font jamais rien, puisque l’hémicycle est toujours vide. Qu’est-ce qu’ils font ? En vrai, il y a toujours trois trucs à faire en même temps : un rendez- vous sur le terrain, une mission, une réunion d’information... Je me souviens d’un jour où le même sujet était traité à trois endroits différents de l’Assemblée. Il y avait à la fois une audition, une réunion de commission et une réunion de groupe. Ce qui m’a marqué, c’est de constater que l’endroit où il y avait le plus de monde, c’était celui où l’on abordait le sujet de la façon la plus vague et la plus dominée par l’émotion. L’endroit le plus technique, en revanche, était déserté. Je crois qu’en politique, on a besoin de beaucoup plus d’expertise technique pour prendre les bonnes décisions.
La politique, c’est aussi une exposition de soi. Est-ce que vous trouvez cela violent ?
La fonction de député est violente. Je me suis rapidement senti très fatigué. Au bout de quelque temps, j’ai commencé à devenir parano en me demandant si je n’allais pas me faire attaquer sur Twitter à propos de tel ou tel sujet, et comment je devais répondre… J’ai perdu du poids, des cheveux, on voyait que j’étais nerveux. Comme les élections arrivaient bien trop tard dans l’année – vous êtes élu en juin, mais devez tout de suite régler un dossier qui demanderait pourtant un mois d’étude préliminaire pour être bien instruit –, je bossais jour et nuit... Après quelques semaines de ce régime, on avait tous de sales têtes, on ne savait plus où on en était, il y avait des engueulades homériques sur Telegram pour des questions toutes bêtes de logistique tellement nous étions tous à cran. Heureusement, nous avons eu dix jours de vacances salutaires, et c’est seulement après que les choses sérieuses ont commencé.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLÉMENCE DE BLASI / PHOTOS SAMUEL GUIGUES
L'intégralité de l'entretien avec Cédric Villani est à lire dans Charles n°25, Vis va vie de député, Printemps 2018